La pièce de théâtre “Quelque Chose”, écrite par Capucine Maillard, mise en scène par Andréa Bescond et adaptée à La Réunion par Dominique Carrère, a été présentée au public vendredi soir, à la Case Bébête à Cambaie. Ce projet porté par l’unité de psycho-Trauma Noé de l’EPSMR de Cambaie, par l’association La Cerise sur le chapeau et par la Compagnie Aziadé prend enfin sa voie pour libérer les voix… La prochaine représentation a lieu lundi 10 décembre, au théâtre Vladimir Canter de l’Université de la Réunion à Saint-Denis.
L’inceste ” fléau dans l’ombre “, beaucoup plus répandu que ce que l’on croit, est un sujet délicat et grave qu’aborde avec justesse, légèreté et sensibilité, Capucine Maillard dans cette pièce. Conçue à partir de témoignages réels, la pièce “Quelque chose” s’empare de la puissance et de la véracité d’un matériau pudique et met en lumière la souffrance de l’être humain, mais aussi et surtout sa résilience, cette capacité à reconstruire l’irréparable.
Utiliser l’art pour lutter contre les méfaits de l’inceste
Présenter la pièce de théâtre “Quelque chose” au public réunionnais était alors une évidence. La culture et la santé, main dans la main contribuent à une société qui protège ses enfants. Le docteur Visnelda Douzain, psychiatre à l’EPSMR, responsable de l’Unité de psycho trauma et du Centre de ressource Noé, en était persuadée : ” J’ai découvert cette pièce choisie pour les 30 ans de l’association France Victime. Je trouvais cela très intéressant d’utiliser l’art pour lutter contre les méfaits de l’inceste si grave à La Réunion. J’ai contacté l’autrice de la pièce, qui m’a mise en contact avec Emilie Magnant de l’association culturelle La Cerise sur le chapeau et ce projet un peu fou de mettre l’art au service de ce sujet de santé publique est né.
L’auteure, Capucine Maillard complète : “Nos objectifs sont pluriels, permettre par la pièce de favoriser une prise de conscience générale, travailler avec 1000 collégiens et lycéens qui verront la pièce et expérimenteront ensuite grâce aux ateliers théâtre forum le droit à une parole libérée. Ce qui permettra d’accompagner le plus tôt possible les adolescents qui souffrent des conséquences de ces violences “. Voilà la genèse de cette pièce.
Un contexte particulier
Le projet, comme pour beaucoup d’autres, a dû s’adapter au contexte sociétal actuel, dates annulées (en cours de report), résidence de création à La Cité des Arts écourtée, transposée… Les équipes artistiques, techniques, administratives, scolaires, sociales et médicales ont continué leur travail chaque jour pour que ce projet naisse aujourd’hui ou demain quoi qu’il advienne. Et “Enfin, nous jouons ce soir”, raconte unanimement, Fany Turpin, Jocelyne Lavieille, Agnès Berthille, Isabelle Delleaux et Olivier Hoarau, les comédiennes et comédiens de la pièce.” Nous avions hâte de pouvoir présenter ce texte au public, de voir la réaction du public…”
La motivation était intense pour que cette représentation puisse avoir lieu. ” Les premières dates ont été annulées, c’était vraiment difficile après des mois de travail acharné. Alors lorsque nous avons appris que Lespas ne pouvait pas maintenir la date pour ce vendredi 30 novembre, cela nous a semblé une évidence de tout tenter pour jouer la pièce : nous avons découvert La Case Bébête et toute l’équipe a travaillé pour que tout soit prêt ” précise Capucine Maillard.
Cette pièce est destinée à être jouée dans les salles de spectacle de l’île. Tous les professionnels ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour s’adapter aux conditions et offrir une belle représentation.
Et le public était bel et bien au rendez-vous. En quelques heures, l’information est passée sur les réseaux sociaux et cet espace culturel alternatif affichait complet au moment de l’entrée des comédiens sur scène.
Se laisser porter par cette rencontre
Puis, il ne restait plus qu’à se laisser porter par cette aventure extraordinaire, cette rencontre avec des femmes qui ont subi l’inceste.
Dix ou vingt ans après, elles racontent leur vie, leur quotidien, leurs blessures… Elles se racontent, elles se mettent à nu le temps d’une nuit improvisée. La fête de la musique bat son plein à Saint-Denis. Quatre femmes se retrouvent pour rire et danser, elles se sont rencontrées dans un groupe de parole. Ce qu’elles ont en commun ? Le traumatisme qu’elles ont subi, évoqué subtilement. L’échange, le dialogue va permettre une prise de conscience salvatrice de leurs droits et une restauration de leur dignité.
Le public ne s’y trompe pas et c’est une standing ovation qui éclate.
Bien abordé avec de l’humour, en gardant la gravité
Les remerciements sont nombreux pour un tel projet. Pour les comédiens, l’émotion est intense et l’on ressent fortement ce lien puissant qui unit toute l’équipe. Vient ensuite les prises de paroles du public qui sont tout aussi nombreuses et principalement, c’est pour dire “merci” que les spectateurs interviennent.
Merci d’oser mettre dans la lumière ce sujet tabou, merci pour la sincérité, merci pour ce texte intense, merci d’avoir déplacé des montagnes pour que ce moment existe.
Quelques heures après la représentation, une spectatrice a posté un commentaire sur Facebook : ” Une magnifique pièce qui vous prend aux tripes dès les premières minutes. Un sujet superbement bien abordé avec de l’humour et tout en gardant la gravité. J’ai été le voir hier soir et j’ai été scotchée. Transportée dans un autre univers. Courrez‑y ! C’est nécessaire !!!”.
Alors, pari gagné pour toute l’équipe qui continue la route. Les prochaines dates doivent avoir lieu et surtout, des dates de reprogrammation sont en cours d’organisation.
Entrée gratuite sur réservation (monticket.re)
Théâtre Vladimir Canter — Université de la Réunion. Saint-Denis.